Deutsch-Französisches Institut
Arbeitsgemeinschaft, Elternvereinigung und Förderverein der Gymnasien mit zweisprachig deutsch-französischem Zug in Deutschland (LIBINGUA)

Les polders, pour quoi faire ?

par Simone Wehrung

Le polder d'Erstein a été inauguré hier. Il est un maillon1 de la vingtaine d'aménagements2 qui, à terme, permettront de réguler les crues3 du Rhin et corriger les effets de la canalisation du fleuve. Le dispositif répond en outre à la nécessité de préserver, voire restaurer la forêt alluviale4.

A l'inverse des polders néerlandais qui permettent de gagner des terres sur l'eau, les polders rhénans, comme celui d'Erstein, sont des bassins de rétention d'eau, destinés à être inondés en cas de crue.(Photo DNA - J-P Kaiser)

Rien de tout cela n'aurait été nécessaire, si le cours du Rhin n'avait été corrigé et canalisé entre l'Alsace et le Bade-Wurtemberg. Pendant plus d'un siècle, les hommes se sont employés à rendre le Rhin supérieur navigable, avant de devoir consacrer autant d'énergie et de temps à essayer d'en gommer5 les effets néfastes en terme d'environnement et de sécurité des populations.

Jadis fleuve au lit tortueux6, à la navigation hasardeuse et sujet à des débordements sauvages, le Rhin a été endigué, apprivoisé, domestiqué mais les effets pervers des travaux d'aménagement se sont rapidement fait sentir.

La correction opérée dès le XIXe siècle a raccourci le fleuve d'une douzaine de kilomètres et l'a libéré de ses obstacles naturels. Le courant s'accélère et le lit s'érode, au point que le Rhin s'enfonce et se déconnecte des bras d'eau qui irriguaient la forêt alluviale.

Menace sur les populations

Dans le même temps, le grand canal d'Alsace, entre Kembs et Vogelgrün, capte l'essentiel des eaux du fleuve, asséchant encore un peu plus la forêt rhénane. Et la nappe phréatique7 s'abaisse tant et si bien qu'il faut installer des barrages agricoles comme celui de Breisach pour les besoins d'irrigation des cultures.

Si les populations riveraines entre Bâle et Iffezheim ont les pieds durablement au sec, il s'avère que les populations en aval8 ne sont plus à l'abri des inondations bicentennales ainsi qu'elles l'étaient au XIXe siècle. « Le niveau de protection y a été divisé par quatre et seules les crues dont la fréquence statistique est de 50 ans peuvent encore être retenues, souligne Dominique Ritz, ingénieur d'arrondissement à VNF (Voies navigables de France). Des experts ont estimé que l'aménagement du Rhin a aggravé le sort de 700 000 personnes ». Pour l'essentiel, des Allemands
puisque seuls 15 km de rives alsaciennes (sur les communes de Beinheim, Seltz, Munchhausen, Mothern et Lauterbourg) sont encore submersibles.

Pour rétablir la protection bicentennale contre les crues, la France et l'Allemagne ont convenu en 1982, d'un programme de gestion hydraulique sur la base notamment de la construction de 18 polders dont, côté français, celui de la Moder (opérationnel dès 1992) et celui d'Erstein, inauguré hier.

Après près de sept ans de travaux, sur 600 ha délimités par l'ancien canal d'alimentation de l'Ill, le Rhin et le bassin de Plobsheim, il suffira à l'avenir d'ouvrir les prises d'eau sur le fleuve en période de crue, pour capter à l'intérieur des digues construites sur le pourtour, une partie des hautes eaux et abaisser de quelques centimètres le niveau du fleuve. Le polder sera vidangé une fois le Rhin revenu à une humeur plus calme.

Rétention à Erstein

Cette fonction d'écrêtement des crues ne devrait être activée qu'une fois tous les dix ans selon les statistiques. En revanche, il est prévu que le polder d'Erstein qui recèle une réserve naturelle, soit submergé une fois par an au moment du « Rhin des cerises » (juin-juillet) à des fins écologiques, pour préserver la forêt humide voire rétablir des écosystèmes alluviaux. De même, le réseau hydraulique naturel du polder (bras d'eau appelés giessen) sera régulièrement réalimenté.

Pour gigantesque qu'il soit, le polder d'Erstein ne représente que 3 % de la capacité d'écrêtement nécessaire à une protection bicentennale des populations entre Iffezheim et Worms. Avec ses 7,8 millions de m³ de capacité (5,3 pour le polder de la Moder) on est encore loin des 270 millions de m³ qu'il faudrait retenir sur le Rhin supérieur pour en abaisser la ligne d'eau de 70 cm en cas de crue.

Source : © Dernières Nouvelles D'alsace, Mardi 23 Novembre 2004.

 

Vocabulaire

1le maillondas Glied, das Teil
2L’aménagement (m)die Anlage
3la cruedas Hochwasser
4la forêt alluvialeder Auenwald
5gommerbeseitigen
6tortueuxgewunden, verwinkelt
7das Grundwasserla nappe phréatique
8en amont-en avalflussaufwärts, flussabwärts
  1. Explique la fonction du polder d’Erstein.
  2. Décris les conséquences de la correction et de la canalisation du Rhin.
  3. En quoi les populations en amont et en aval, en Allemagne et en France subissent différemment les effets des aménagements du Rhin ?